Page:Marivaux - Œuvres complètes, édition Duviquet, 1825, tome 6.djvu/408

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à essuyer. Je ne sais que trop ce que je suis, je ne l’ai caché à personne, on peut s’en informer, je l’ai dit à tous ceux que le hasard m’a fait connaître, je l’ai dit à M. de Valville, qui est celui dont vous parlez ; je l’ai dit à Mme de Miran sa mère ; je lui ai représenté toutes les misères de ma vie, de la manière la plus forte et la plus capable de les rebuter ; je leur en ai fait le portrait le plus dégoûtant ; j’y ai tout mis, madame, et l’infortune où je suis tombée dès le berceau, au moyen de laquelle je n’appartiens à personne, et la compassion que des inconnus ont eue de moi dans une route où mon père et ma mère étaient étendus morts ; la charité avec laquelle ils me prirent chez eux, l’éducation qu’ils m’ont donnée dans un village, et puis la pauvreté où je suis restée après leur mort ; l’abandon où je me suis vue, les secours que j’ai reçus d’un honnête homme qui vient de mourir aussi, ou bien, si l’on veut, les aumônes qu’il m’a faites ; car c’est ainsi que je me suis expliquée pour m’humilier davantage, pour mieux peindre mon indigence, pour rendre M. de Valville plus honteux de l’amour qu’il avait pour moi. Que veut-on de plus ? je ne me suis point épargnée, j’en ai peut-être plus dit qu’il n’y en a, de peur qu’on ne s’y trompât ; il n’y a peut-être personne