Page:Marivaux - Œuvres complètes, édition Duviquet, 1825, tome 6.djvu/399

Cette page n’a pas encore été corrigée

nous conduit donc ce cocher ? Par le plus court, et dans un moment nous arrêterons, me répondit-elle.

je regardais, j’examinais, mais inutilement. Cette rue de la Dutour et de ma mère ne venait point ; et qui pis est, voici notre carrosse qui entre subitement par une grande porte, qui était celle d’un couvent.

Eh ! mon Dieu, m’écriai-je alors, où me menez-vous ? Mme de Miran ne demeure point ici ; mademoiselle, je crois que vous me trompez. Et aussitôt j’entends refermer la porte par laquelle nous étions entrés, et le carrosse s’arrête au milieu de la cour.

Ma conductrice ne disait mot ; je changeai de couleur, et je ne doutai plus qu’on ne m’eût fait une surprise.

Ah ! misérable ! dis-je à cette femme, où suis-je, et quel est votre dessein ? Point de bruit, me répondit-elle ; il n’y a pas si grand mal, et je vous mène en bon lieu, comme vous voyez. Au reste, mademoiselle Marianne, c’est en vertu d’une autorité supérieure que vous êtes ici ; on aurait pu vous enlever d’une manière qui eût fait plus d’éclat, mais on a jugé à propos d’y aller plus doucement ; et c’est moi qu’on a envoyée pour vous tromper, comme je l’ai fait.

Pendant qu’elle me parlait ainsi, on ouvrit la porte de la clôture, et je vis deux ou trois religieuses qui, d’un air souriant et affectueux, attendaient que le fusse descendue de carrosse, et que j’entrasse dans le couvent.