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plus tendre. Savez-vous ce qu’ont produit tous les aveux que vous avez faits à ma mère ? Valville, m’a-t-elle dit, ma fille est incomparable ; tu lui avais recommandé le secret sur ce qui s’est passé chez Mme de Fare, et je ne t’en sais pas mauvais gré ; mais elle m’a tout dit, et je n’en reviens point ; je l’aime mille fois plus que je ne l’aimais, et elle vaut mieux que toi. »

Le reste du billet était rempli de tendresses ; mais voilà le seul dont je me suis ressouvenue, et qui fût essentiel. Revenons. Il y avait donc dix ou douze jours que je n’avais vu personne de chez Mme de Miran, quand, sur les dix heures du matin, on vint me dire qu’il y avait une parente de ma mère qui me demandait, et qui m’attendait au parloir.

Comme on ne me dit point si elle était vieille ou jeune, je m’imaginai que c’était Mlle de Fare, qui, après sa mère, était la seule parente de Mme de Miran que je connusse ; et je descendis, persuadée que ce ne pouvait être qu’elle.

Point du tout. Je ne trouvai, au lieu d’elle, qu’une grande femme maigre et menue, dont le visage étroit et long lui donnait une mine froide et sèche, avec de grands bras extrêmement plats, au bout desquels étaient deux mains pâles et décharnées, dont les doigts ne finissaient point. À cette vision, je m’arrêtai, je crus qu’on se trompait, et que c’était une autre Marianne à qui ce grand spectre en voulait (car c’était sous le nom de Marianne qu’elle m’avait fait appeler). Madame, lui dis-je, je ne sache point avoir l’honneur