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força de prendre, à cause que je le refusais ; je voulais qu’elle me le gardât.

Il sera mieux entre vos mains qu’entre les miennes, lui disais-je ; qu’en ferai-je ? Ai-je besoin de quelque chose avec vous ? Me laissez-vous manquer de rien ? N’ai-je pas tout en abondance ? J’ai encore l’argent que vous m’avez donné vous-même (cela était vrai), et celui dont j’ai hérité à la mort de la demoiselle qui m’a élevée me reste aussi. Prends toujours, me dit-elle, prends ; il faut bien t’accoutumer à en avoir, et celui-ci est à toi.

Alors nous entendîmes ouvrir la porte du parloir où j’étais. Je serrai donc ce rouleau, et nous vîmes entrer l’abbesse de notre couvent.

J’ai su que vous étiez ici, dit-elle à Mme de Miran, ou plutôt à ma mère, car je ne dois plus l’appeler autrement. Ne l’était-elle pas, si elle n’était pas même quelque chose de mieux ?

J’ai su que vous étiez ici, madame, lui dit donc l’abbesse d’un ton de condoléance (à cause que je lui avais dit la mort de M. de Climal), et je viens pour avoir l’honneur de vous voir un moment ; je devais cet après-midi envoyer chez vous, je l’avais dit à Mademoiselle.

Elles eurent ensuite un instant de conversation très sérieuse ; Mme de Miran se leva. Je serai quelque temps sans vous revoir, et même sans sortir, Marianne, me dit-elle ; adieu. Et puis elle salua l’abbesse et partit. jugez de la tranquillité où elle me laissa. Qu’avais-je désormais à craindre ? Par où mon bonheur