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yeux sur moi, il semblait qu’elle m’examinait plus qu’elle ne m’écoutait.) je continuai, et j’ajoutai :

Vous aviez envie de prendre des mesures qui auraient empêché qu’on ne me connût, et il n’y a plus de mesures à prendre ; apparemment que Mme de Fare dira tout, malgré sa fille, qui l’aura conjurée de n’en rien faire. Ainsi voyez, ma mère, voilà la belle-fille que vous auriez, si j’épousais M. de Valville ; il n’y a pas autre chose à espérer. Je ne me consolerai point du bonheur dont vous auriez bien raison de me priver ; mais je me consolerais encore moins de vous avoir trompée.

Mme de Miran resta quelques moments sans me répondre, me parut plus rêveuse que triste, et puis me dit en faisant un léger soupir :

Tu m’affliges, ma fille, et cependant tu m’enchantes ; il faut convenir avec toi que tu as un malheur bien obstiné, N’y aurait-il pas moyen, sans que je m’en mêlasse, d’engager cette lingère à dire qu’en effet elle s’est méprise ? Dis-moi, que lui répondis-tu alors ?

Rien, ma mère, lui repartis-je ; je ne sus que pleurer pendant que Mlle de Fare s’obstinait à lui dire qu’elle ne me connaissait pas.

Pauvre enfant ! reprit Mme de Miran. Vraiment non, je ne savais rien de cela ; mon fils n’a eu garde de me l’apprendre, et comme tu le dis, il est bien pardonnable, et peut-être même t’a-t-il recommandé de ne m’en point parler.

Hélas ! ma mère, repris-je, je vous ai dit qu’il