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me dire qu’elle avait été incommodée, et que je la verrais le lendemain ; et dans l’instant que je quittais ce domestique, il tira mystérieusement de sa poche un billet que Valville l’avait chargé de me donner, et que j’allai lire dans ma chambre.

je n’ai pas instruit ma mère de l’accident qui vous est arrivé chez Mme de Fare, m’y disait-il. Peut-être cette dame sera-t-elle discrète en faveur de sa fille, qui l’en aura fortement pressée ; et dans l’espérance que j’en ai, j’ai cru devoir cacher à ma mère une aventure qu’il vaut mieux qu’elle ignore, s’il est possible, et qui ne servirait qu’à l’inquiéter. Elle vous verra demain, m’a-t-elle dit ; j’ai parlé à la Dutour, je l’ai mise dans nos intérêts ; rien n’a encore transpiré. Gardez-vous de votre côté, je vous prie, de rien dire à ma mère. Voilà quelle était à peu près la substance de son billet, que je lus en secouant la tête, à l’endroit où il me recommandait le silence.

Vous avez beau dire, lui répondis-je en moi-même ; il ne sera pas généreux de me taire ; il y aura à cela une espèce de trahison ou de fourberie, à laquelle Mme de Miran ne doit point s’attendre de ma part ; ce sera lui manquer de reconnaissance, et je ne saurais me résoudre à une dissimulation si ingrate. Il me semble que je dois lui déclarer tout, à quelque prix que ce soit.

En pensant ainsi pourtant, je n’étais pas encore déterminée à ce que je ferais ; mais cette mauvaise finesse dont on me conseillait d’user répugnait à mon cœur ; de sorte que je restai jusqu’au lendemain fort