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pour une autre ? Mademoiselle lui a-t-elle répondu un mot ? Est-elle convenue de ce qu’elle lui disait ? Il est vrai qu’elle a pleuré, mais c’est peut-être à cause qu’elle a cru qu’on voulait lui faire injure : c’était surprise ou timidité, et tout cela est possible dans une personne de son âge, qui se voit apostrophée avec tant de hardiesse. Ce n’est pas à vous, ma chère cousine, à qui ce que je dis là s’adresse ; vous savez avec quelle confiance je me suis livré à vous là-dessus. Je veux seulement dire que Mme de Fare devait du moins suspendre son jugement, et ne pas s’en rapporter à une femme de chambre, qui a pu mal entendre, qui a pu ajouter à ce qu’elle a entendu, et qui elle-même n’a raconté ce qu’elle a su que d’après une autre femme, qui, comme je l’ai dit, peut avoir été trompée par quelque ressemblance. Et supposez qu’elle ne se soit point méprise ; il s’agit ici de faits qui méritent bien qu’on s’en assure, ou qu’on les éclaircisse ; d’autant plus qu’il peut y entrer une infinité de circonstances qui changent considérablement les choses, comme le sont les circonstances que je vous ai dites, et qui font bien voir que mademoiselle est à plaindre, mais qui ne donnent droit à qui que ce soit de la traiter comme on vient de le faire.

Et il fallait voir avec quel feu, avec quelle douleur s’énonçait Valville, et toute la tendresse qu’il mettait pour moi dans ce qu’il disait.

Si Mme de Fare avait votre cœur et votre façon de penser, mademoiselle, ajouta-t-il, je lui aurais