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pour eux, et je suis un peu revenue des vanités de ce monde ; à mon âge on préfère ce qui est commode à ce qui n’est que glorieux. Je soupçonne d’ailleurs (et je vous le dis en secret), je soupçonne que vous n’êtes pas le plus grand nombre. Ajoutez à cela la difficulté de vous servir, et vous excuserez le parti que je vais prendre.

Nous en étions au discours que Mlle de Fare et Valville tinrent à Favier ; j’ai dit que cette précaution qu’ils prirent fut inutile.

Vous avez vu que Favier s’était retirée avant que la Dutour s’en allât, et il n’y avait tout au plus qu’un quart d’heure qu’elle avait disparu quand elle revint ; mais ce quart d’heure, elle l’avait déjà employé contre moi. De ma chambre, elle s’était rendue chez Mme de Fare, à qui elle avait conté tout ce qu’elle venait de voir et d’entendre.

Elle n’osa nous l’avouer. Mlle de Fare le prit avec elle sur un ton qui l’en empêcha, et qui lui fit peur. J’observai seulement, comme je vous l’ai déjà dit, qu’elle rougit ; et à travers l’accablement où j’étais je ne tirai pas un bon augure de cette rougeur.

Elle sortit assez déconcertée, et Mlle de Fare se remit à me consoler. Je lui tenais une main, que je baignais de mes larmes ; elle répondait à cette action par les caresses les plus affectueuses.

Eh ! ma chère amie, cessez donc de pleurer, me disait-elle ; que craignez-vous ? Cette fille ne dira mot, soyez-en persuadée (c’était de Favier dont elle