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Ma mère, qui sait tout ce que je vous dis là, et tout ce que je n’ai pas le temps de vous dire, ma mère est dans notre confidence, elle est enchantée d’elle ; elle l’a mise dans un couvent ; elle consent que je l’aime, elle consent que je l’épouse, et vous êtes bien digne de penser de même ; vous n’abuserez point de l’accident funeste qui lui dérobe sa naissance ; vous ne lui en ferez point un crime. Un malheur, quand il est accompagné des circonstances que je vous dis, ne doit point priver une fille, d’ailleurs si aimable, du rang dans lequel on a bien vu qu’elle était née, ni des égards et de la considération qu’elle mérite de la part de tous les honnêtes gens. Gardez donc votre estime et votre amitié pour elle ; conservez-moi mon épouse, conservez-vous l’amie la plus digne de vous, une amie d’un mérite et d’un cœur que vous ne trouverez nulle part ; d’un cœur que vous allez acquérir tout entier, sans compter le mien, dont la reconnaissance sera éternelle et sans bornes. Mais ce n’est pas assez que de ne point divulguer notre secret : il y avait tout à l’heure ici une femme de chambre qui a tout entendu ; il faut la gagner, il faut se hâter.

C’est à quoi je songeais, dit Mlle de Fare, qui l’interrompit, et qui tira le cordon d’une sonnette, et je vais y remédier. Tranquillisez-vous, monsieur, et fiez-vous à moi. Voici un récit qui m’a remuée jusqu’aux larmes ; j’avais beaucoup d’estime pour vous, vous venez de m’en donner mille fois davantage. Je regarde aussi Mme de Miran, dans cette occasion-