Page:Marivaux - Œuvres complètes, édition Duviquet, 1825, tome 6.djvu/339

Cette page n’a pas encore été corrigée

a fait sans doute de mon procédé avec elle ; je ne l’ai secourue, en effet, que pour tâcher de la séduire ; je crus que son infortune lui ôterait le courage de rester vertueuse, et j’offris de lui assurer de quoi vivre, à condition qu’elle devînt méprisable. C’est vous en dire assez, mon père ; j’abrège cet horrible récit par respect pour sa pudeur, que mes discours passés n’ont déjà que trop offensée. Je vous en demande pardon, mademoiselle, et je vous conjure d’oublier cette affreuse aventure ; que jamais le ressouvenir de mon impudence ne salisse un esprit aussi chaste que le doit être le vôtre. Recevez-en pour réparation de ma part cet aveu que je vous fais, qui est qu’avec vous j’ai été non seulement un homme détestable devant Dieu, mais encore un malhonnête homme suivant le monde, car j’eus la lâcheté, en vous quittant, de vous reprocher de petits présents que vous m’avez renvoyés ; j’insultai à la triste situation où je vous abandonnais, et je menaçai de me venger, si vous osiez vous plaindre de moi.

Je fondais en larmes pendant qu’il me faisait cette satisfaction si, généreuse et si chrétienne ; elle m’attendrit au point qu’elle m’arracha des soupirs. Valville et le père Saint-Vincent s’essuyaient les yeux et gardaient le silence.

Vous savez, mademoiselle, ajouta M. de Climal, ce que je vous offris alors : ce fut, je pense, un contrat de cinq ou six cents livres de rente ; je vous en laisse aujourd’hui un de douze cents dans mon testament.