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nous en avouer davantage. Dieu vous tiendra compte et de ce que vous avez dit, et de ce que vous vous serez abstenu de dire.

Ah ! mon père, s’écria le malade, ne m’arrêtez point ; ce serait me soulager que de me taire ; je suis bien éloigné d’éprouver la douceur dont vous parlez. Dieu ne me fait pas une si grande grâce à moi qui n’en mérite aucune : c’est bien assez qu’il me donne la force de résister à la confusion dont je me sens couvert, et qui m’arrêterait à tout moment s’il ne me soutenait pas. Oui, mon père, cet aveu de mes indignités m’accable ; je souffre à chaque mot que je vous dis, je souffre, et j’en remercie mon Dieu, qui par là me laisse en état de lui sacrifier mon misérable orgueil. Permettez donc que je profite d’une honte qui me punit ; je voudrais pouvoir l’augmenter pour, proportionner, s’il était possible, mes humiliations à la fausseté des vertus qu’on a honorées en moi. Je voudrais avoir toute la terre pour témoin de l’affront que je me fais ; je suis même fâché d’avoir été obligé de renvoyer Mme de Miran ; j’aurais pu du moins rougir encore aux yeux d’une sœur qui n’est peut-être pas désabusée. Mais il a fallu l’écarter ; je la connais, elle m’aurait interrompu ; son amitié pour moi, trop tendre et trop sensible, ne lui aurait pas permis d’écouter ce que j’avais à dire ; mais vous le lui répéterez, mon père, je l’espère de votre piété, et c’est un soin dont vous voulez bien que je vous charge. Achevons.

Mademoiselle vous a dit vrai dans le récit qu’elle vous