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cela. Est-ce là tout ? Non ; j’avais été vertueuse avec lui, il n’avait été qu’un lâche avec moi ; voyez combien de sortes d’avantages j’aurais sur lui. Voilà à quoi je songeais confusément, de façon que j’étais moi-même honteuse de l’affront que mon âge, mon innocence et ma santé feraient à ce vieux pécheur confondu et agonisant. Je me trouvais trop vengée, et j’en rougissais d’avance.

Ce ne fut pas lui que j’aperçus d’abord ; ce fut le père Saint-Vincent, qui était au chevet de son lit, et au-dessous duquel était assise Mme de Miran, qui me tournait le dos.

À cet aspect, surtout à celui du père Saint-Vincent, que je surpris bien autant qu’il me surprit, je n’osai plus me croire à l’abri de rien, et me voilà retombée dans mes inquiétudes ; car enfin, l’autre avait beau être mourant, que faisait là ce bon religieux ? pourquoi fallait-il qu’il s’y trouvât avec moi ?

Et à propos de ce religieux, de qui, par parenthèse, je ne vous ai rien dit depuis que je l’ai quitté à son couvent ; qui, comme vous savez, m’avait promis de chercher à me placer, et de venir lendemain matin chez Mme Dutour, m’informer de ce qu’il aurait pu faire, vous remarquerez que je lui avais écrit deux ou trois jours après que j’eus rencontré Mme de Miran, que je l’avais instruit de mon aventure et de l’endroit où j’étais, et que je l’avais prié d’avoir la bonté de m’y venir voir, à quoi il avait répondu qu’il y passerait incessamment.

J’étais donc, vous dis-je, fort étourdie de le trouver là,