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fait au premier dîner. Mme Dorsin, suivant sa coutume, m’accabla de caresses. Dispensez-moi du détail de ce qu’on y dit ; avançons.

Il n’y avait qu’une heure que nous étions sortis de table, quand on vint dire à Mme de Miran qu’un domestique de chez elle demandait à lui parler.

Et c’était pour lui dire que M. de Climal était en danger, qu’on tâchait de le faire revenir d’une apoplexie où il était tombé depuis deux heures.

Elle rentra où nous étions, toute effrayée, et, la larme à l’œil, nous apprit cette nouvelle, prit congé de la compagnie, me laissa à mon couvent, et courut chez le malade avec Valville, qui me parut touché de l’état de son oncle, et touché aussi, je pense, du contretemps qui nous arrachait si brusquement au plaisir d’être ensemble. J’en fus encore moins contente que lui ; je voulus bien qu’il s’en aperçût dans mes regards, et j’allai tristement me renfermer dans ma chambre, où il me vint des motifs de réflexion qui me chagrinèrent.

Si M. de Climal meurt à présent, disais-je, Valville, qui en hérite et qui est déjà très riche, va le devenir encore davantage ; eh ! que sais-je si cette augmentation de richesses ne me nuira pas ? Sera-t-il possible qu’un héritier si considérable m’épouse ? Mme de Miran elle-même ne se dédira-t-elle pas de cette bonté incroyable qu’elle a aujourd’hui de consentir à