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jalouse en rougissant de honte et de dépit ; quel mal lui fait-on, je vous prie, de lui dire qu’elle prenne garde à ce qu’elle deviendra ? Il faut donc bien des précautions avec cette petite fille-là !

On ne lui répondit rien ; ma religieuse lui avait déjà tourné le dos, et m’emmenait d’un autre côté avec la plus grande partie des autres pensionnaires qui nous suivirent ; il n’en resta qu’une ou deux avec mon ennemie ; encore l’une était-elle sa parente, et l’autre son amie.

Cette petite aventure, que j’ai crue assez instructive pour les jeunes personnes à qui vous pourriez donner ceci à lire, fit que je redoublai de politesse et de modestie avec mes compagnes ; ce qui fit qu’à leur tour elles redoublèrent d’amitié pour moi. Reprenons à présent le cours de mon histoire.

Je vous ai promis celle d’une religieuse, mais ce n’est pas encore ici sa place, et ce que je vais raconter l’amènera. Cette religieuse, vous la devinez sans doute ; vous venez de la voir venger mon injure, et à la manière dont elle a parlé, vous avez dû sentir qu’elle n’avait point les petitesses ordinaires aux esprits de couvent. Vous saurez bientôt qui elle était. Continuons. Mme de Miran vint me revoir deux jours après notre dîner chez Mme Dorsin ; et quelques jours ensuite je reçus d’elle, à neuf heures du matin, un second billet qui m’avertissait de me tenir prête à une heure après midi, pour aller avec elle chez Mme