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de vous en corriger ; j’y fais ce que je puis, profitez de la leçon que je vous donne ; et en parlant à mademoiselle, ne dites plus Marianne, comme vous venez de le dire, puisqu’elle vous appelle toujours mademoiselle, et qu’il n’y a que vous de toutes vos compagnes qui preniez la liberté de l’appeler autrement. Vous n’avez pas droit de vous dispenser des devoirs d’honnêteté et de politesse qui doivent s’observer entre vous. Et vous, mademoiselle, qu’est-ce qui vous afflige, et pourquoi pleurez-vous ? (Ceci me regardait.) Y a-t-il rien de honteux dans les malheurs qui vous sont arrivés, et qui font que vos parents vous ont perdue ? Il faudrait être un bien mauvais esprit pour abuser de cela contre vous, surtout avec une fille aussi bien née que vous l’êtes, et qui ne peut assurément venir que de très bon lieu. Si on juge de la condition des gens par l’opinion que leurs façons nous en donnent, telle ici qui se croit plus que vous ne risque rien à vous regarder comme son égale en naissance, et serait trop heureuse d’être votre égale en bon caractère.

Non, ma mère, répondis-je d’un air doux, mais contristé ; je n’ai rien, Dieu m’a tout ôté, et je dois croire que je suis au-dessous de tout le monde ; mais j’aime encore mieux être comme je suis, que d’avoir tout ce que mademoiselle a de plus que moi, et d’être capable d’insulter les personnes affligées. Ce discours et mes larmes qui s’y mêlaient émurent le cœur de mes compagnes, et les mirent de mon parti.

Eh ! qui est-ce qui songe à l’insulter ? s’écria ma