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bien, assez gentille. C’est donc une dame qui a la charité de paver sa pension ? Ne trouvez-vous pas qu’elle ressemble à Javotte ? (C’était une fille qui la servait, et qui en effet me ressemblait, mais fort en laid.)

Je remarquai qu’aucune de celles qui l’accompagnaient ne répondit. Quant à moi je rougis beaucoup, et les larmes m’en vinrent aux yeux ; la religieuse avec qui je me promenais, fille d’un très bon esprit, qui s’était prise d’inclination pour moi, et que j’aimais aussi, leva les épaules et se tut.

Mon Dieu, qu’il y a de cruelles gens dans le monde ! ne pus-je m’empêcher de dire en soupirant ; car aussi bien il aurait été inutile de me retenir et de passer cela sous silence : voilà qui était fini, on me connaissait.

Consolez-vous, me dit la religieuse en me prenant la main, vous avez des avantages qui vous vengent bien de cette petite sotte-là, ma fille ; et vous pourriez être plus glorieuse qu’elle, si vous n’étiez pas plus raisonnable. N’enviez rien de ce qu’elle a de plus que vous ; c’est à elle à être jalouse.

Vous avez bien de la bonté, ma mère, lui répondis-je en la regardant avec reconnaissance ; hélas ! vous parlez d’être raisonnable, et il me serait bien aisé de ne pas rougir de mes malheurs, si tout le monde avait autant de raison que vous.

Voilà donc ce que j’avais déjà essuyé de cette superbe pensionnaire, qui ne pouvait pas me pardonner d’être, peut-être, aussi belle qu’elle. Quand je dis peut-