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sur la tranquillité de sa conversation avec ses amis. Elle était tout à vous, quoiqu’elle eût lieu d’être tout à elle ; et j’en étais quelquefois si surprise, que, malgré moi et ma tendresse pour elle, je m’occupais plus à la considérer qu’à partager ce qui la touchait en bien ou en mal.

Je l’ai vue, dans une longue maladie où elle périssait de langueur, où les remèdes ne la soulageaient point, où souvent elle souffrait beaucoup. Sans son visage abattu, vous auriez ignoré ses souffrances ; elle vous disait : Je souffre, si vous lui demandiez comment elle était ; elle vous parlait de vous et de vos affaires, ou suivait paisiblement la conversation, si vous ne le lui demandiez point.

Je suis sûre que toutes les femmes sentaient ce que valait Mme Dorsin ; mais il n’y avait que les femmes du plus grand mérite qui, je pense, eussent la force de convenir de tout le sien, et pas une d’entre elles qui n’eût été glorieuse de son estime.

Elle était la meilleure de toutes les amies ; elle aurait été la plus aimable de toutes les maîtresses.

N’eût-on vu Mme Dorsin qu’une ou deux fois, elle ne pouvait être une simple connaissance pour personne ; et quiconque disait : Je la connais, disait une chose qu’il était bien aise qu’on sût, et une chose qui était remarquée par les autres.

Enfin ses qualités et son caractère la rendaient si considérable et si importante, qu’il y avait de la distinction à être de ses amis, de la vanité à la connaître, et du bon air à parler d’elle équitablement ou non. C’