Page:Marivaux - Œuvres complètes, édition Duviquet, 1825, tome 6.djvu/301

Cette page n’a pas encore été corrigée

estiment ce qu’ils ont fait, ou ce qu’ils font pour vous, l’évaluent, en sont glorieux, et se disent : je le sers bien, il doit être bien reconnaissant.

Mme Dorsin disait : je l’ai servi plusieurs fois, je l’ai donc accoutumé à croire que je dois le servir toujours ; il ne faut donc pas tromper cette opinion qu’il a, et qui m’est si chère ; il faut donc que je continue de la mériter.

De sorte qu’à la manière dont elle envisageait cela, ce n’était pas elle qui méritait votre reconnaissance, c’était vous qui méritiez la sienne, à cause que vous comptiez qu’elle vous servirait. Elle concluait qu’elle devait vous servir, et le concluait avec un plaisir qui la payait de tout ce qu’elle avait fait pour vous.

Votre hardiesse à redemander d’être servi faisait sa récompense, son sublime amour-propre n’en connaissait point de plus touchante ; et plus là-dessus vous en agissiez sans façon avec elle, plus vous la charmiez, plus vous la traitiez selon son cœur ; et cela est admirable.

Une âme qui ne vous demande rien pour les services qu’elle vous a rendus, sinon que vous en preniez droit d’en exiger d’autres, qui ne veut rien que le