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devait être de tous les esprits de femme le plus, aimable, quand Mme Dorsin voulait.

Il n’y a point de jolie femme qui n’ait un peu trop envie de plaire ; de là naissent ces petites minauderies plus ou moins adroites par lesquelles elle vous dit : Regardez-moi.

Et toutes ces singeries n’étaient point à l’usage de Mme Dorsin ; elle avait une fierté d’amour-propre qui ne lui permettait pas de s’y abaisser, et qui la dégoûtait des avantages qu’on en peut tirer ; ou si dans la journée elle se relâchait un instant là-dessus, il n’y avait qu’elle qui le savait. Mais, en général, elle aimait mieux qu’on pensât bien de sa raison que de ses charmes ; elle ne se confondait pas avec ses grâces ; c’était elle que vous honoriez en la trouvant raisonnable ; vous n’honoriez que sa figure en la trouvant aimable.

Voilà quelle était sa façon de penser ; aussi aurait-elle rougi de vous avoir plu, si dans la réflexion vous aviez pu vous dire : elle a tâché de me plaire ; de sorte qu’elle vous laissait le soin de sentir ce qu’elle valait, sans se faire l’affront de vous y aider.

À la vérité, ce dégoût qu’elle avait pour tous ces petits moyens de plaire, peut-être était-elle bien aise qu’on le remarquât ; et c’était là le seul reproche qu’on pouvait hasarder contre elle, la seule espèce de coquetterie dont on pouvait la soupçonner en la chicanant.

Et en tout cas, si c’est là une faiblesse, c’est du moins de toutes les faiblesses la plus honnête, je dis même la