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vaudrait mieux ne voir aucune lueur de succès que d’en voir une si faible, qui ne vient flatter l’âme que pour la troubler.

Est-ce que j’épouserais Valville ? me disais-je ; je ne le croyais pas possible, et je sentais pourtant que ce serait un malheur pour moi si je ne l’épousais pas. C’est là tout ce que mon cœur avait gagné aux discours incertains de Mme de Miran : n’était-ce pas là le sujet d’un tourment de plus ?

Je n’en dormis point la nuit suivante ; j’en dormis mal deux ou trois nuits de suite, car je passai trois jours sans entendre parler de rien, et ce ne fut pas, s’il m’en souvient, sans un peu de murmure contre ma bienfaitrice.

Que ne se détermine-t-elle donc ? disais-je quelquefois ; à quoi bon tant de longueurs ? Et là-dessus je crois que je boudais contre elle.

Enfin le quatrième jour arriva, et elle ne paraissait point ; mais au lieu d’elle, Valville, à trois heures après midi, me demanda.

On vint me le dire, et c’était me donner la liberté d’aller lui parler ; cependant je n’en usai pas. Je l’aimais, et mille fois plus que je ne l’avais encore aimé ; j’avais une extrême envie de le voir, une extrême curiosité de savoir s’il n’avait rien de nouveau à m’apprendre sur notre amour, et malgré cela je me retins ; je refusai de l’aller trouver, afin que si Mme de Miran le savait, elle m’en estimât davantage ; ainsi