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m’attirant ici ; je ne sais plus où je suis. Ayez pitié de l’état où je me trouve ; tout ceci me déchire le cœur ; emmenez-moi, sortons. J’aime mieux mourir que de vous affliger : mais vous qui avez tant de tendresse pour moi, que voulez-vous que je devienne ?

Hélas ! mon fils, que veux-tu que je te réponde ? lui dit cette dame. Il faudra voir ; je te plains, je t’excuse, vous me touchez tous deux, et je t’avoue que j’aime autant Marianne que tu l’aimes toi-même. Lève-toi, mon fils, ceci n’a pas réussi comme je le croyais, ce n’est pas sa faute ; je lui pardonne l’amour que tu as pour elle, et si tout le monde pensait comme moi, je ne serais guère embarrassée, mon fils.

À ces derniers mots, dont Valville comprit tout le sens favorable, il se rejeta à ses genoux, lui prit une main qu’il baisa mille fois sans parler. Eh bien ! madame, lui dis-je, m’aimerez-vous encore ? y a-t-il d’autre remède que de m’abandonner ?

Le ciel m’en préserve ; ma chère enfant, me répondit-elle ; que viens-tu me dire ? Va, encore une fois, sois tranquille, je suis contente de toi. Mon fils, ajouta-t-elle d’un air de bonté qui me ravit encore, je ne te presse plus de terminer le mariage en question ; cela va me brouiller avec d’honnêtes gens, mais je t’aime encore mieux qu’eux.

Vous me rendez la vie, repartit Valville ; je suis le plus heureux de tous les fils. Mais, ma mère, que ferez-vous de Marianne ? Ne me permettrez-vous pas de la voir quelquefois ? Mon fils, lui répondit-elle, tu me demandes plus que je ne sais : laisse-moi