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aujourd’hui ma mère, qui lui a ôté le bon cœur et la tendresse de son fils, il se trouve que c’est moi, monsieur, que c’est cette pensionnaire qu’elle fait vivre et qu’elle accable de bienfaits. Après cela, monsieur, voyez, avec l’honneur, avec la probité, avec le cœur estimable, tendre et généreux que vous avez coutume d’avoir, voyez si vous souhaitez encore que je vous aime, et si vous-même vous auriez le courage d’aimer un monstre comme j’en serais un, si j’écoutais votre amour. Non, monsieur, vous êtes touché de ce que je vous apprends, vous pleurez, mais ce n’est plus que de tendresse pour ma mère, et que de pitié pour moi. Non, ma mère, vous ne serez plus ni triste ni inquiète ; M. de Valville ne voudra pas que je sois davantage le sujet de votre chagrin : c’est une douleur qu’il ne fera pas à moi-même. Je suis bien sûre qu’il ne troublera plus le plaisir que vous avez à me secourir ; il y sera sensible au contraire, il voudra y avoir part, il m’aimera encore, mais comme vous m’aimez. Il épousera la demoiselle en question, il l’épousera à cause de lui-même qui le doit, à cause de vous qui lui avez procuré ce parti pour son bien, et à muse de moi qui l’en conjure comme de la seule marque qu’il peut me donner que je lui ai été véritablement chère. C’est une consolation qu’il ne refusera pas à une fille qui ne