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qu’elle savait ; c’est que vous deviez venir, et c’est une autre que moi qui l’en a instruite ; mais de grâce, écoutez-moi.

Vous voulez me persuader que vous m’aimez, et je crois que vous dites vrai ; mais quel dessein pouvez-vous avoir en m’aimant ?

Celui de n’être jamais qu’à vous, me répondit-il froidement, mais d’un ton ferme et déterminé, celui de m’unir à vous par tous les liens de l’honneur et de la religion’. S’il y en avait de plus forts, je les prendrais, ils me feraient encore plus de plaisir ; et, en vérité, ce n’était pas la peine de me demander mon dessein ; je ne pense pas qu’il puisse en venir d’autre dans l’esprit d’un homme qui vous aime, mademoiselle ; mes intentions ne sauraient être douteuses ; il ne reste plus qu’à savoir si elles vous seront agréables, et si je pourrai obtenir de vous ce qui sera le bonheur de ma vie.

Quel discours, madame ! Je sentis que les larmes m’en venaient aux yeux ; je crois même que je soupirai, il n’y eut pas moyen de m’en empêcher ; mais je soupirai le plus bas qu’il me fut possible, et sans oser lever les yeux sur lui.

Monsieur, lui dis-je, ne vous ai-je pas dit les malheurs que j’ai essuyés dès mon enfance ? je ne sais point de qui je suis née, j’ai perdu mes parents sans les connaître, je n’ai ai bien ni famille, et nous ne sommes pas faits l’un pour l’autre. D’ailleurs, il y a encore des obstacles insurmontables.

Je vous entends, me dit-il de l’air d’un homme consterné ; c’est que votre cœur se refuse au mien.