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qu’elle l’aimait, à cause que c’est un discours indiscret.

Ah ! mon Dieu ! madame, jamais, m’écriai-je ; il n’en sait rien, je n’en ai pas ouvert la bouche. Est-ce qu’une fille ose dire à un homme qu’elle l’aime ? à une daine, encore, passe, il n’y a pas de mal : mais M. de Valville n’en a pas le moindre soupçon, à moins qu’il ne l’ait deviné ; et quand il s’en douterait, cela ne lui servira de rien, madame, vous le verrez. Je vous le promets, ne vous embarrassez point. Eh bien ! oui, il est aimable, il faudrait être aveugle pour ne le pas voir ; mais qu’est-ce que cela fait ? c’est tout comme s’il ne l’était pas plus qu’un autre, je vous assure, je n’y prendrai pas garde, et je serais bien ingrate d’en agir autrement.

Ah ! ma chère fille, me dit Mme de Miran, il te sera bien difficile de résoudre ce cœur-là à renoncer à toi : plus je te vois, plus je désespère que tu le puisses. Essayons pourtant, et voyons ce qu’il t’écrit.

La lettre était courte, et la voici, autant que je puis m’en ressouvenir :

ll y a trois semaines que je vous cherche, mademoiselle, et que je meurs de douleurs je n’ai pas dessein de vous parler de mon amour, il ne mérite plus que vous l’écoutiez. Je ne veux que