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serais fâchée qu’il épousât cette fille, prévenu d’une aussi forte passion que celle-ci me le paraît. Oh ! comment le guérir de cette passion ?

L’en guérir, nous aurions de la peine, repartit Mme Dorsin : mais je crois qu’il suffira de rendre cette passion raisonnable, et nous le pourrons avec le secours de mademoiselle. C’est un bonheur que nous ayons affaire à elle : nous venons de voir un trait du caractère de son cœur qui prouve de quoi sa tendresse et sa reconnaissance la rendront capable pour une mère comme vous ; or, pour déterminer votre fils à remplir vos engagements et les siens, il ne s’agit, de la part de votre fille, que d’un procédé qui sera bien digne d’elle ; c’est qu’il est seulement question qu’elle lui parle elle-même : il n’y a qu’elle qui puisse lui faire entendre raison. Il vous obéirait pourtant si vous l’exigiez, j’en suis persuadée, il vous respecte trop pour se révolter contre vous ; mais comme vous dites fort bien, vous ne voulez pas le forcer, et vous pensez juste ; vous n’en feriez qu’un homme malheureux qui le deviendrait par complaisance pour vous, qui ne se consolerait pas de l’être devenu, parce qu’il dirait toujours : je pouvais ne pas l’être ; au lieu que Marianne, par mille raisons sans réplique qu’elle saura lui dire avec douceur, cruelle