Page:Marivaux - Œuvres complètes, édition Duviquet, 1825, tome 6.djvu/244

Cette page n’a pas encore été corrigée

n’en serez que plus en colère contre moi. Il est juste que vous m’ôtiez votre amitié, et que vous laissiez là une fille qui vous est si contraire ; mais il ne vous servira de rien de la haïr davantage, et je voudrais pouvoir m’exempter de cela : ce n’est pas que je refuse de vous dire la vérité ; je sais bien que je suis obligée de vous la dire, c’est la moindre chose que je vous doive ; mais ce qui me retient, c’est la peine qu’elle vous fera, c’est la rancune que vous en prendrez contre moi, et toute l’affliction que j’en aurai moi-même ;

Non, ma fille, non, reprit Mme de Miran ; parlez hardiment, et ne craignez rien de ma part : Valville sait-il où vous êtes ? est-il venu ici ?

Ce discours redoubla mes larmes ; je tirai ensuite de ma poche la lettre que j’avais reçue de Valville, et que je n’avais pas décachetée ; et la lui présentant d’une main tremblante :

Je ne sais, lui dis-je à travers mes sanglots, comment il a découvert que je suis ici, mais voilà ce qu’il vient de me donner lui-même.

Mme de Miran la prit en soupirant, l’ouvrit, la parcourut, et jeta les yeux sur son amie, qui fixa aussi les siens sur elle ; elles furent toutes deux assez longtemps