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point cette petite fille ; c’était toujours cette aimable enfant. Etait-il question de mes parents, c’était des étrangers, et sans difficulté de la première condition de leur pays ; il n’était pas possible que cela fût autrement, on le savait comme si on l’avait vu : il courait là-dessus un petit raisonnement que chacune d’elles avait grossi de sa pensée et qu’ensuite elles croyaient comme si elles ne l’avaient pas fait elles-mêmes.

Mais tout s’use, et les beaux sentiments comme autre chose. Quand mon aventure ne fut plus si fraîche, elle frappa moins l’imagination. L’habitude de me voir dissipa les fantaisies qui me faisaient tant de bien, elle épuisa le plaisir qu’on avait à m’aimer ; ce n’avait été qu’un plaisir de passage, et au bout de six mois, cette aimable enfant ne fut plus qu’une pauvre orpheline, à qui on n’épargna pas alors le mot de charité : on disait que j’en méritais beaucoup. Tous les curés me recommandèrent chez eux, parce que celui chez qui j’étais n’était pas riche. Mais la religion de ces dames ne me fut pas si favorable que me l’avait été leur folie ; je n’en tirai pas si bon parti, et j’aurais été fort à plaindre, sans la tendresse que le curé et sa sœur prirent pour moi.

Cette sœur m’éleva comme si j’avais été son enfant. Je vous ai déjà dit que son frère et elle étaient de très bonne famille : on disait qu’ils avaient perdu leur bien par un procès, et que lui, il était venu se réfugier dans cette cure, où elle l’avait suivi, car ils s’aimaient beaucoup.

Ordinairement, qui dit