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Mais achevons d’écouter Mme de Miran, qui continue, à qui, dans la suite de son discours, il échappera quelques traits qui me ranimeront, et qui en est au chirurgien à qui elle alla parler.

Et qui m’a dit de bonne foi, continua-t-elle, que la jeune enfant était fort aimable, qu’elle avait l’air d’une fille de très bonne famille, et que mon fils, dans toutes ses façons, avait marqué un vrai respect pour elle ; et c’est ce respect qui m’inquiète : j’ai peine, quoi que vous disiez, à le concilier avec l’idée que j’ai d’une grisette. S’il l’aime et qu’il la respecte, il l’aime donc beaucoup, il l’aime donc d’une manière qui sera dangereuse, et qui peut le mener très loin. Vous concevez bien d’ailleurs que tout cela n’annonce pas une fille sans éducation et sans mérite ; et si mon fils a de certains sentiments pour elle, je le connais, je n’en espère plus rien. Ce sera justement parce qu’il a des mœurs, de la raison, et le caractère d’un honnête homme, qu’il n’y aura presque point de remède à ce misérable penchant qui l’aura surpris pour elle, s’il la croit digne de sa tendresse et de son estime.

Or, mettez-vous à la place de l’orpheline, et voyez, je vous prie, que de tristes considérations à la fois : doucement pourtant, il s’y en joignait une qui était bien agréable.

Avez-vous pris garde à cette mélancolie où, disait-on, Valville était tombé depuis le jour de notre connaissance ? Avez-vous remarqué ce respect que le