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que nous reprenions toutes deux haleine. Je vous le dois pourtant, et vous l’aurez pour l’acquit de mon exactitude. Je vois d’ici où je le placerai dans cette quatrième partie, mais je vous assure que ce ne sera que dans les dernières pages, et peut-être ne serez-vous pas fâchée de l’y trouver. Vous pouvez du moins vous attendre à du singulier. Vous venez de voir un excellent cœur ; celui que j’ai encore à vous peindre le vaudra bien, et sera pourtant différent. À l’égard de l’esprit, ce sera toute la force de celui des hommes, mêlée avec toute la délicatesse de celui des femmes.

Continuons mon récit. Bonjour, ma fille, me dit Mme de Miran en entrant dans le parloir ; voici une dame qui a voulu vous voir, parce que je lui ai dit du bien de vous ; et je serai ravie aussi qu’elle vous connaisse, afin qu’elle vous aime. Eh bien ! madame, ajouta-t-elle en s’adressant à son amie, la voilà : comment la trouvez-vous ? n’est-il pas vrai que ma fille est gentille ?

Non, madame, reprit cette amie d’un air caressant, non, elle n’est pas gentille, ce n’est pas là ce qu’il faut dire, s’il vous plaît : vous en parlez avec la modestie d’une mère. Pour moi, qui suis une étrangère, il m’est permis de dire franchement ce que j’en pense, et ce qui en est ; c’est qu’elle est charmante, et qu’en vérité je ne sache point de figure plus aimable, ni d’un air plus noble.

Je baissai les yeux à un discours si flatteur, et je ne sus y répondre qu’en rougissant. On s’assit, la conversation