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femme, mais seulement la meilleure femme du monde. Aussi, m’a-t-on dit, n’avait-elle guère fait d’amants, mais beaucoup d’amis, et même d’amies ; ce que je n’ai pas de peine à croire, vu cette innocence d’intention qu’on voyait en elle, vu cette mine simple, consolante et paisible, qui devait rassurer l’amour-propre de ses compagnes, et la faisait plus ressembler à une confidente qu’à une rivale.

Les femmes ont le jugement sûr là-dessus. Leur propre envie de plaire leur apprend tout ce que vaut un visage de femme, quel qu’il soit ; beau ou laid, il n’importe : ce qu’il a de mérite, fût-il imperceptible, elles l’y découvrent, et ne s’y fient pas. Mais il y a des beautés entre elles qu’elles ne craignent point, elles sentent fort bien que ce sont des beautés sans conséquence ; et apparemment que c’était ainsi qu’elles avaient jugé de Mme de Miran.

Or, à cette physionomie plus louable que séduisante, à ces yeux qui demandaient plus d’amitié que d’amour, cette chère dame joignait une taille bien faite, et qui aurait été galante, si Mme de Miran l’avait voulu, mais qui, faute de cela, n’avait jamais que des mouvements naturels et nécessaires, et tels qu’ils pouvaient partir de l’âme du monde de la meilleure foi.

Quant à l’esprit, je crois qu’on n’avait jamais songé à dire qu’elle en eût, mais qu’on n’avait jamais dit