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revenons à nos dames et à leur portrait. En voici un qui sera un peu étendu, du moins j’en ai peur ; et je vous en avertis ; afin que vous choisissiez, ou de le passer, ou de le lire.

Ma bienfaitrice, que je ne vous ai pas encore nommée, s’appelait Mme de Miran, elle pouvait avoir cinquante ans. Quoiqu’elle eût été belle femme, elle avait quelque chose de si bon et de si raisonnable dans la physionomie, que cela avait pu nuire à ses charmes, et les empêcher d’être aussi piquants qu’ils auraient dû l’être. Quand on a l’air si bon, on en paraît moins belle ; un air de franchise et de bonté si dominant est tout à fait contraire à la coquetterie ; il ne fait songer qu’au bon caractère d’une femme, et non pas à ses grâces ; il rend la belle personne plus estimable, mais son visage plus indifférent de sorte qu’on est plus content d’être avec elle que curieux de la regarder.

Et voilà, je pense, comme on avait été avec Mme de Miran ; on ne prenait pas garde qu’elle était belle