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si, devais-je dire, si je m’étais répondu sincèrement, et suivant la consolante apparence que j’y trouvais.

Mais nous approchons du couvent, et nous y sommes. J’y revenais bien moins parée que je n’en étais partie : ma bienfaitrice m’en demanda la raison.

C’est, lui dis-je, que j’ai repris mes hardes, et que j’ai laissé chez Mme Dutour toutes celles que vous m’avez vues, madame, afin qu’elle les fasse rendre à l’homme dont je vous ai parlé, et de qui je les tenais. Ma chère fille, vous n’y perdrez rien, me répondit-elle en m’embrassant. Après quoi j’entrai ; je revins la remercier à travers les grilles du parloir ; elle partit, et me voilà pensionnaire.

J’aurai bien des choses à vous dire de mon couvent ; j’y connus bien des personnes ; j’y fus aimée de quelques-unes, et dédaignée de quelques autres ; et je vous promets l’histoire du séjour que j’y fis : vous l’aurez dans la quatrième partie. Finissons celle-ci par un événement qui a été la cause de mon entrée dans le monde.

Deux ou trois jours après que je fus chez ces religieuses, ma bienfaitrice m’y fit habiller comme si j’avais été sa fille, et m’y pourvut, sur ce pied-là, de toutes les hardes qui m’étaient nécessaires. Jugez des sentiments que je pris pour elle : je ne la voyais jamais qu’avec des transports de joie et de tendresse.

On remarqua que j’avais de la voix, elle voulut que j’apprisse la musique. La prieure avait une nièce à qui on donna un maître de clavecin ; ce maître fut le mien aussi. Il y a des talents, me dit cette aimable