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à Paris, où elle était venue, tant pour la succession d’un parent qu’elle n’a pas recueillie à cause des dettes du défunt, que pour voir s’il y aurait moyen de me mettre dans quelque état qui me convînt. J’ai tout perdu par sa mort ; il n’y avait qu’elle qui m’aimait dans le monde, et je n’ai plus de tendresse à espérer de personne : il ne me reste plus que la charité des autres ; aussi n’est-ce qu’elle et son bon cœur que je regrette, et non pas les secours que j’en recevais ; je rachèterais sa vie de la mienne. Elle est morte dans une auberge où nous étions logées ; j’y suis restée seule, et l’on m’y a pris une partie du peu d’argent qu’elle me laissait. Un religieux, son confesseur, m’a tirée de là, et m’a remise, il y a quelques jours, entre les mains d’un homme que je ne veux pas nommer, qu’il croyait homme de bien et charitable, et qui nous a trompés tous deux, qui n’était rien de tout cela. Il a pourtant commencé d’abord par me mettre chez Mme Dutour, une marchande lingère ; mais à peine y ai-je été, qu’il a découvert ses mauvais desseins par de l’argent qu’il m’a forcée de prendre, et par des présents que je me suis bien doutée qui n’étaient pas honnêtes, non plus que certaines manières qu’il avait et qui ne signifiaient rien de bon, puisqu’à la fin il n’a pas eu honte à son âge de me déclarer, en me prenant par les mains, qu’il était mon amant, qu’il entendait que je fusse sa maîtresse, et qu’il avait résolu de me mettre dans une maison d’un quartier éloigné, où il serait plus libre d’être amoureux de moi sans qu’on le sût, et où il me promettait