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Venez, mon ange, venez ; je gagerais qu’elle est fille unique, et qu’on la veut marier malgré elle. Mais, dites-moi, mon cœur, est-ce tout à l’heure que vous voulez entrer ? Il faudra pourtant informer vos parents, n’est-ce pas ? Chez qui enverrai-je ?

Hélas ! ma mère répondis-je, je ne puis vous indiquer personne. Ma confusion et mes sanglots m’arrêtèrent là. Eh bien ! me dit-elle, de quoi s’agit-il ? Non, personne, continuai-je, rien de ce que vous croyez, ma mère ; je n’ai pas la consolation d’avoir des parents ; du moins ceux que j’ai, je ne les ai jamais connus.

Jésus, mademoiselle ! reprit-elle avec un refroidissement imperceptible et grave ; voilà qui est bien fâcheux, point de parents ! eh ! comment cela se peut-il ? qui est-ce donc qui a soin de vous ? car apparemment que vous n’avez point de bien non plus ? Que sont devenus votre père et votre mère ?

Je n’avais que deux ans, lui dis-je, quand ils ont été assassinés par des voleurs qui arrêtèrent un carrosse de voiture où ils étaient avec moi ; leurs domestiques y périrent aussi ; il n’y eut que moi à qui on laissa la vie, et je fus portée chez un curé de village, qui ne vit plus, et dont la sœur, qui était une sainte personne, m’a élevée avec une bonté infinie ; mais malheureusement elle est morte ces jours passés