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qui a l’air plus profane ; aussi grossit-il moins un visage qu’il ne le rend grave et décent ; aussi donne-t-il à la physionomie non pas un air joyeux, mais tranquille et content.

Avoir ces bonnes filles, au reste, vous leur trouvez un extérieur affable, et pourtant un intérieur indifférent. Ce n’est que leur mine, et non pas leur âme qui s’attendrit pour vous : ce sont de belles images qui paraissent sensibles, et qui n’ont que des superficies de sentiment et de bonté. Mais laissons cela, je ne parle ici que des apparences, et ne décide point du reste. Revenons à la prieure ; j’en ferai peut-être le portrait quelque part.

Mademoiselle, je suis votre servante, me dit-elle en se baissant pour me saluer : puis-je savoir à qui j’ai l’honneur de parler ? C’est moi qui en ai tout l’honneur, répondis-je encore plus honteuse que modeste, et quand je vous dirais qui je suis, je n’en serais pas plus connue de vous, madame.

C’est, si je ne me trompe, mademoiselle que j’ai vue dans l’église où je suis entrée un instant, dit alors la dame en question avec un souris tendre ; j’ai cru même la voir pleurer, et cela m’a fait de la peine. Je vous rends mille grâces de votre bonté, madame, repris-je d’une voix faible et timide et puis je me tus. Je ne savais comment entrer en matière : l’accueil de la prieure, tout avenant qu’il était, m’avait découragée. Je n’espérais plus rien d’elle, sans que je pusse dire pourquoi : c’était ainsi que son abord m’avait frappée, et cela revient à ces superficies dont je parlais,