Page:Marivaux - Œuvres complètes, édition Duviquet, 1825, tome 6.djvu/197

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le monde par ce scandale, il en triompherait, et en prendrait droit de se moquer des vrais serviteurs de Dieu. Tâchez même de croire que vous avez mal vu, mal entendu ; ce sera une disposition d’esprit, une innocence de pensée qui sera agréable à Dieu, qui vous attirera sa bénédiction. Allez, ma chère enfant, retournez-vous-en, et ne vous affligez pas (ce qu’il me disait à cause des pleurs que je répandrais de meilleur courage que je n’avais fait encore, parce qu’il me plaignait). Continuez d’être sage, et la Providence aura soin de vous ; j’ai affaire, il faut que je vous quitte. Mais dites-moi l’adresse de cette marchande où vous logez.

Hélas ! mon père, lui répondis-je après la lui avoir dite, je n’ai plus que le reste de cette journée-ci à y demeurer ; la pension qu’on lui payait pour moi finit demain, ainsi je suis obligée de sortir de chez elle ; elle s’y attend ; je ne saurai plus après où me réfugier si vous m’abandonnez, mon père : je n’ai que vous, vous êtes ma seule ressource.

Moi ! chère enfant ! hélas ! Seigneur, quelle pitié ! un Pauvre religieux comme moi, je ne puis rien ; mais Dieu peut tout : nous verrons, ma fille nous verrons ; j’y penserai. Dieu sait ma bonne volonté ; il m’inspirera peut-être, tout dépend de lui ; je le prierai de mon côté, priez-le du vôtre, mademoiselle. Dites-lui : Mon Dieu, je n’espère qu’en vous. N’y manquez pas ; et moi je serai demain sans faute à neuf heures du matin chez vous ; ne sortez pas avant ce temps-là. Ah çà ! il est tard, j’ai affaire ; adieu, soyez tranquille ; il y a loin