Page:Marivaux - Œuvres complètes, édition Duviquet, 1825, tome 6.djvu/196

Cette page n’a pas encore été corrigée

Fort bien, dit-il alors, fort bien : cela est bon, on ne saurait mieux parler. Et puis, mon père, ajoutai-je, demandez à la marchande chez qui M. de Climal m’a mise ce qu’elle pense de lui, et si elle ne le regarde pas comme un fourbe et comme un hypocrite ; demandez à son neveu s’il ne l’a pas surpris à genoux devant moi, tenant ma main qu’il baisait, et que je ne pouvais pas retirer d’entre les siennes ; ce qui a si fort scandalisé ce jeune homme, qu’il me regarde à cette heure comme une fille perdue ; et enfin, mon père, considérez la confusion où M. de Climal a été quand je suis entrée ici. Est-ce que vous n’avez pas pris garde à sa mine ?

Oui, me dit-il, oui, il a rougi : vous avez raison, et je n’y comprends rien ; serait-il possible ? J’en reviens toujours à ce solliciteur de procès, c’est un terrible article ; et son embarras, je ne l’aime point non plus. Qu’est-ce que c’est aussi que ce contrat ? Il est bien pressé ! Qu’est-ce que c’est que ces meubles, et que ces maîtres pour des fariboles ? Avec qui veut-il que vous dansiez ? Plaisante charité, qui apprend aux gens à aller au bal ! Un homme comme M. de Climal ! Que Dieu nous soit en aide. Mais on ne sait qu’en dire : hélas ! la pauvre humanité, à quoi est-elle sujette ? Quelle misère que l’homme ! quelle misère ! Ne songez plus à tout cela, ma fille ; je crois que vous ne me trompez pas : non, vous n’êtes pas capable de tant de fausseté ; mais n’en parlons plus. Soyez discrète, la charité vous l’ordonne, entendez-vous ? Ne révélez jamais cette étrange aventure à personne ; gardons-nous de réjouir