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vous ne vous mettez pas à genoux devant elle, en lui. parlant d’amour.

Ah ! mon Dieu ! s’écria-t-il, ah ! mon Dieu ! petite langue de serpent que vous êtes, taisez-vous. Ce que vous dites est horrible, c’est le démon qui vous inspire, oui, le démon ; retirez-vous, allez-vous-en, je ne vous écoute plus ; je ne crois plus rien, ni les cheveux, ni la main, ni les discours : faussetés que tout cela ! laissez-moi. Ah ! la dangereuse petite créature ! elle me fait frayeur, voyez ce que c’est ! Dire que M. de Climal, qui mène une vie toute pénitente, qui est un homme tout en Dieu, s’est mis à genoux devant elle pour lui tenir des propos d’amour ! Ah ! Seigneur, où en sommes-nous !

Ce qu’il disait joignant les mains, en homme épouvanté de mon discours, et qui éloignait tant qu’il pouvait une pareille idée, dans la crainte d’être tenté d’examiner la chose.

En vérité, mon père, lui répondis-je toute en larmes, et excédée de sa prévention, vous me traitez bien mal, et il est bien affligeant pour moi de ne trouver que des injures où je venais chercher de la consolation et du secours. Vous avez connu la personne qui m’a menée à Paris, et qui m’a élevée ; vous m’avez dit vous-même que vous l’estimiez beaucoup, que sa vertu vous avait édifié. C’est à vous qu’elle s’est confessée à sa mort ; elle ne vous aura pas parlé contre sa conscience, et vous savez ce qu’elle vous a dit de moi ; vous pouvez vous en ressouvenir ; il n’y a pas si longtemps que Dieu me l’a