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contre lui, je ne l’avais point vu : et puis, si je m’étais trompée sur ce baiser que vous ne croyez point, M. de Climal, dans la suite, ne m’aurait pas confirmée dans ma pensée ; il n’aurait pas recommencé chez Mme Dutour, ni tant manié, tant loué mes cheveux dans ma chambre, où il était toujours à me tenir la main qu’il approchait à chaque instant de sa bouche ; en me faisant des compliments dont j’étais toute honteuse.

Mais… mais que me venez-vous conter, mademoiselle ? Doucement donc, doucement, me dit-il d’un air plus surpris qu’incrédule : des cheveux qu’il touchait, qu’il louait ? M. de, Climal, lui ! je n’y comprends rien ; à quoi rêvait-il donc ? Il est vrai qu’il aurait pu se passer de ces façons-là ; ce sont de ces distractions qui ne sont pas convenables, je l’avoue ; on ne touche point aux cheveux d’une fille : il ne savait pas ce qu’il faisait ; mais n’importe : c’est un geste qui ne vaut rien. Et ma main qu’il portait à sa bouche, répondis-je, mon père, est-ce encore une distraction ?

Oh ! votre main, reprit-il, votre main, je ne sais pas ce que c’est : il y a mille gens qui vous prennent par la main quand ils vous parlent, et c’est peut-être une habitude qu’il a aussi ; je suis sûr qu’à moi-même, il m’est arrivé mille fois d’en faire autant.

À la bonne heure, mon père, repris-je ; mais quand vous prenez la main d’une fille, vous ne la baisez pas je ne sais combien de fois ; vous ne lui dites pas qu’elle l’a belle,