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Mais le fracas des rues écarta toutes ces idées frivoles, et me fit rentrer en moi-même.

Plus je voyais de monde et de mouvement dans cette prodigieuse ville de Paris, plus j’y trouvais de silence et de solitude pour moi : une forêt m’aurait paru moins déserte, je m’y serais sentie moins seule, moins égarée. De cette forêt, j’aurais pu m’en tirer ; mais comment sortir du désert où je me trouvais ? Tout l’univers en était un pour moi, puisque je n’y tenais par aucun lien à personne.

La foule de ces hommes qui m’entouraient, qui se parlaient, le bruit qu’ils faisaient, celui des équipages, la vue même de tant de maisons habitées, tout cela ne servait qu’à me consterner davantage.

Rien de tout ce que je vois ici ne me concerne, me disais-je ; et un moment après : Que ces gens-là sont heureux ! disais-je ; chacun d’eux a sa place et son asile. La nuit viendra, et ils ne seront plus ici, ils seront retirés chez eux ; et moi, je ne sais où aller,