Page:Marivaux - Œuvres complètes, édition Duviquet, 1825, tome 6.djvu/176

Cette page n’a pas encore été corrigée

aussi bien que l’argent que, ces jours passés, m’a donné Climal. (Lequel argent était resté sur la table où je l’avais jeté, et Mme Dutour me l’avait par force remis dans ma poche.)

Là-dessus j’ouvris ma cassette pour y prendre d’abord le linge nouvellement acheté. Oui, monsieur de Valville, oui, disais-je en le tirant, vous apprendrez à me connaître, à penser de moi comme vous le devez ; et cette idée me hâtait : de sorte que, sans y songer, c’était plus à lui qu’à son oncle que je rendais le tout, d’autant plus que le renvoi du linge, de la robe et de l’argent, joint à un billet que j’écrirais, ne manquerait pas de désabuser Valville, et de lui faire regretter ma perte.

Il m’avait paru avoir l’âme généreuse, et je m’applaudissais d’avance de la douleur qu’il aurait d’avoir outragé une fille aussi respectable que moi : car je me voyais confusément je ne sais combien de titres pour être respectée.

Premièrement, j’avais mon infortune qui était unique ; avec cette infortune, j’avais de la vertu, et elles allaient si bien ensemble ! Et puis j’étais jeune, et puis j’étais belle ; que voulez-vous de plus ? Quand je me serais faite exprès pour être attendrissante, pour faire soupirer un amant généreux de m’avoir maltraitée, je n’aurais pu y mieux réussir ; et pourvu que j’affligeasse Valville, j’étais contente ; après quoi,