Page:Marivaux - Œuvres complètes, édition Duviquet, 1825, tome 6.djvu/168

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mains d’étonnement, et disait : Quel charivari ! Et puis s’asseyant : N’est-ce pas là de la belle besogne que vous avez fait, Marianne ? Plus d’argent, plus de pension, plus d’entretien ! accommode-toi ; te voilà sur le pavé, n’est-ce pas ? Le beau coup d’Etat ! la belle équipée ! Oui, pleurez à cette heure, pleurez vous voilà bien avancée ! Quelle tête à l’envers !

Eh ! laissez-moi, madame, laissez-moi, lui dis-je, vous parlez sans savoir de quoi il s’agit. Oui, je t’en réponds, sans savoir ! ne sais-je pas que vous n’avez rien ? n’est-ce pas en savoir assez ? Qu’est-ce qu’elle veut dire avec sa science ? Demandez-moi où elle ira à présent ; c’est là ce qui me chagrine, moi ; je parle par amitié, et puis c’est tout ; car si j’avais le moyen de vous nourrir, pardi ! on s’embarrasserait beaucoup de M. de Climal. Eh ! merci de ma vie, je vous dirais : Ma fille, tu n’as rien ; eh bien ! moi, j’ai plus qu’il ne faut : va, laisse-le aller, et ne t’inquiète pas ; qui en a pour quatre, en a pour cinq. Mais oui-da, on a beau avoir un bon cœur, on va bien loin avec cela, n’est-ce pas ? Le temps est mauvais, on ne vend rien, les loyers sont chers, et c’est tout ce qu’on peut faire que de vivre et d’attraper le jour de l’an ; encore faut-il bien tirer pour y aller.

Soyez tranquille, lui répondis-je en jetant un soupir je vous assure que j’en sortirai demain, à quelque prix que ce soit ; je ne suis pas sans argent ; et je vous donnerai ce que vous voudrez pour la dépense que je ferai encore chez vous.