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même.

Car, avant mon aventure avec Valville, vous vous ressouvenez bien que j’avais déjà conclu que M. de Climal m’aimait, et j’en étais encore plus sûre depuis ce qui s’était passé chez son neveu. Un dévot qui avait rougi de m’y rencontrer, qui avait feint de ne m’y pas connaître, ne pouvait y avoir été si confus et si dissimulé que parce que le fond de sa conscience sur mon chapitre ne lui faisait pas honneur. On appelle cela rougir devant son péché, et vous ne sauriez croire combien alors ce vieux pêcheur me paraissait laid, combien sa présence m’était à charge.

Trois jours auparavant, en découvrant qu’il m’aimait, je m’étais contentée de penser que c’était un hypocrite, que je n’avais qu’à laisser être ce qu’il voudrait, et qui n’y gagnerait rien ; mais à présent je n’en restais pas là ; je ne me contenais plus pour lui dans cette tranquille indifférence. Ses sentiments me scandalisaient, m’indignaient ; le cœur m’en soulevait. En un mot, ce n’était plus le même homme à mes yeux : les tendresses du neveu, jeune, aimable et galant, m’avaient appris à voir l’oncle tel qu’il était, et tel qu’il méritait d’être vu ; elles l’avaient flétri, et m’éclairaient sur son âge, sur ses rides, et sur toute la laideur de son caractère.

Quelle folle et ridicule figure n’a-t-il pas été obligé de faire chez Valville ? Que va-t-il me dire avec son vilain amour qui offense Dieu ? Va-t-il m’exhorter à ne valoir pas mieux que lui sous prétexte des services qu’il me rendra ? me disais-je. Ah ! qu’il est haïssable ! Comment un homme, à cet âge-là, ne se