Page:Marivaux - Œuvres complètes, édition Duviquet, 1825, tome 6.djvu/11

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

n’équivaut pas même à des roman qui ne coûtent point aujourd’hui seize semaines de travail à leurs auteurs. Heureux les romanciers qui, comme sir Walter Scott, joignent la richesse à la fécondité du génie ! mais convenons en même temps que la plupart de ceux qui, pour la rapidité de la composition, affectent de marcher sur ses traces, se rapprocheraient plus facilement de leur modèle, si, en calquant leurs inventions romanesques sur celles du célèbre Écossais, ils daignaient emprunter à Marivaux un peu du soin qu’il mettait à polir ses ébauches, à coordonner les différentes parties de son travail, à châtier son style, à simplifier ses incidens, et à concilier, avec la peinture de la plus terrible des passions, ce vernis de délicatesse et de décence, qui ne la voile que pour l’embellir et la rendre plus attrayante.

Il est malheureux que Marivaux n’ait point mis la dernière main à sa Marianne, et il est assez difficile d’expliquer comment il s’est arrêté tout à coup, lorsqu’il touchait à l’extrémité de la carrière. J’ai consulté tous les mémoires littéraires du temps. Ni le Journal de Trévoux, ni les Observations de Desfontaines ne m’ont fourni aucune lumière sur cette singulière détermination de notre auteur. La première édition de la onzième partie porte la date de 1743 ; Marivaux vécut encore vingt ans, et dans ce long période, ni le sentiment de sa gloire, ni celui d’un intérêt légitime, ne purent le décider à terminer son ouvrage. Il n’est pas permis de supposer qu’avec toutes les ressources de son esprit et de son imagination, il ait été effrayé des difficultés de son dénouement. Il ne s’agissait plus que de corriger Valville de son infidélité, d’expliquer l’événement tragique qui commence le roman, de faire retrouver à Marianne la famille illustre à laquelle elle se montre constamment digne d’appartenir, et de mettre fin à l’épisode