Page:Marivaux - Œuvres complètes, édition Duviquet, 1825, tome 4.djvu/384

Cette page n’a pas encore été corrigée

PHOCION

Non, je le répète encore, si les dieux pouvaient être faibles, ils le seraient comme Hermocrate ! Jamais il ne fut plus grand, jamais plus digne de mon amour, et jamais mon amour plus digne de lui ! Juste ciel ! Vous parlez de ma gloire : en est-il qui vaille celle de vous avoir causé le moindre des mouvements que vous dites ? Non, c’en est fait, Seigneur, je ne vous demande plus le repos de mon cœur ; vous me le rendez par l’aveu que vous me faites ; vous m’aimez, je suis tranquille et charmée. Vous me garantissez notre union.

HERMOCRATE

Il me reste un mot à vous dire, et je finis par là. Je révélerai votre secret ; je déshonorerai cet homme que vous admirez ; et son affront rejaillira sur vous-même, si vous ne partez.

PHOCION

Eh bien ! Seigneur, je pars : mais je suis sûre de ma vengeance ; puisque vous m’aimez, votre cœur me la garde. Allez, désespérez le mien ; fuyez un amour qui pouvait faire la douceur de votre vie, et qui va faire le malheur de la mienne. Jouissez, si vous voulez, d’une sagesse sauvage, dont mon infortune va vous assurer la durée cruelle. Je suis venue vous demander du secours contre mon amour ; vous ne m’en avez point donné d’autre que m’avouer que vous m’aimiez ; c’est après cet aveu que vous me renvoyez ; après un aveu qui redouble ma tendresse ! Les dieux détesteront