Page:Marivaux - Œuvres complètes, édition Duviquet, 1825, tome 4.djvu/356

Cette page n’a pas encore été corrigée
vous y serez dans la solitude, il est vrai ; mais nous y serons ensemble, et le monde peut-il rien offrir de plus doux que le commerce de deux cœurs vertueux qui s’aiment ?
PHOCION

Oui, je vous le promets, Agis. Après ce que vous venez de dire, je ne veux plus appeler le monde que les lieux où vous serez vous-même.

AGIS

Je suis content : les dieux m’ont fait naître dans l’infortune ; mais puisque vous restez, ils s’apaisent, et voilà le signal des faveurs qu’ils me réservent.

PHOCION

Écoutez aussi, Agis, au milieu du plaisir que j’ai de vous voir si sensible, il me vient une inquiétude ; l’amour peut altérer bientôt de si tendres sentiments ; un ami ne tient point contre une maîtresse.

AGIS

Moi, de l’amour, Phocion ! Fasse le ciel que votre âme lui soit aussi inaccessible que la mienne ! Vous ne me connaissez pas ; mon éducation, mes sentiments, ma raison, tout lui ferme mon cœur ; il a fait les malheurs de mon sang, et je hais, quand j’y songe, jusqu’au sexe qui nous l’inspire.

PHOCION

, d’un air sérieux.

Quoi ! ce sexe est l’objet de votre haine, Agis ?

AGIS

Je le fuirai toute ma vie.