Oui, Seigneur, je vous aime ; mais ne vous y trompez pas, il ne s’agit pas ici d’un penchant ordinaire ; cet aveu que je vous fais, il ne m’échappe point, je le fais exprès : ce n’est point à l’amour à qui je l’accorde, il ne l’aurait jamais obtenu ; c’est à ma vertu même à qui je le donne. Je vous dis que je vous aime, parce que j’ai besoin de la confusion de le dire ; parce que cette confusion aidera peut-être à me guérir ; parce que je cherche à rougir de ma faiblesse pour la vaincre : je viens affliger mon orgueil pour le révolter contre vous. Je ne vous dis point que je vous aime, afin que vous m’aimiez ; c’est afin que vous m’appreniez à ne plus vous aimer moi-même. Haïssez, méprisez l’amour, j’y consens ; mais faites que je vous ressemble. Enseignez-moi à vous ôter de mon cœur, défendez-moi de l’attrait que je vous trouve. Je ne demande point d’être aimée, il est vrai, mais je désire de l’être ; ôtez-moi ce désir ; c’est contre vous-même que je vous implore.
Eh bien ! Madame, voici le secours que je vous donne ; je ne veux point vous aimer : que cette indifférence-là vous guérisse, et finissez un discours où tout est poison pour qui l’écoute.
Grands dieux ! à quoi me renvoyez-vous ? à une indifférence que j’ai bien prévue. Est-ce ainsi que vous répondez au généreux courage avec lequel je vous