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LÉONTINE

Un amour vertueux peut-il exiger ce qui ne l’est pas ? Quoi ! voulez-vous que mon cœur s’égare ? Que venez-vous faire ici, Phocion ? Ce qui m’arrive est-il concevable ? Quelle aventure ! ô ciel ! quelle aventure ! Faudra-t-il que ma raison y périsse ? Faudra-t-il que je vous aime, moi qui n’ai jamais aimé ? Est-il temps que je sois sensible ? Car enfin vous me flattez en vain ; vous êtes jeune, vous êtes aimable, et je ne suis plus ni l’un ni l’autre.

PHOCION

Quel étrange discours !

LÉONTINE

Oui, Seigneur, je l’avoue, un peu de beauté, dit-on, m’était échue en partage ; la nature m’avait départi quelques charmes que j’ai toujours méprisés. Peut-être me les faites-vous regretter ! Je le dis à ma honte : mais ils ne sont plus, ou le peu qui m’en reste va se passer bientôt.

PHOCION

Eh ! de quoi sert ce que vous dites là, Léontine ? Convaincrez-vous mes yeux de ce qui n’est pas ? Espérez-vous me persuader avec ces grâces ? Avez-vous pu jamais être plus aimable ?

LÉONTINE

Je ne suis plus ce que j’étais.

PHOCION

Tranchons là-dessus, Madame, ne disputons plus.