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JUGEMENT

SUR

L’ILE DES ESCLAVES.


Voici encore une de ces pièces, assez nombreuses chez notre auteur, dont une idée philosophique, spirituellement développée, fait le principal mérite. Il faut se souvenir que le théâtre des Italiens, quoique souvent honoré de la visite et des suffrages des hommes du goût le plus délicat, grâce aux efforts réunis de quelques écrivains et surtout de quelques acteurs de talent, était spécialement destiné à l’amusement d’un public moins éclairé : on saura gré alors à Marivaux d’avoir songé aussi à l’instruction morale de ce public, auquel une vie de privations et de fatigues rend si facile l’oubli de ses devoirs. C’est là d’ailleurs une mission qu’acceptèrent et que remplirent avec succès les Le Sage, les Dorneval et plusieurs autres littérateurs du même temps, qui travaillaient pour la même scène. Il serait à désirer qu’un pareil exemple ne fût pas perdu pour quelques-uns de ceux qui se chargent aujourd’hui d’approvisionner nos théâtres secondaires. Si l’on ne peut pas être toujours et plaisant et comique, il est permis du moins de n’être jamais immoral. Retournons à l’Ile des Esclaves,

On suppose que des esclaves de la Grèce, révoltés contre leurs maîtres, se sont réfugiés dans une île qu’ils habitent depuis cent ans. Dans les premiers temps, lorsque