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HORTENSE

Que voulez-vous, Madame ? Je vous vois rêver, et cela me donne un air pensif ; je vous copie de figure.

LA PRINCESSE

Vous copiez si bien, qu’on s’y méprendrait. Quant à moi, je ne suis point tranquille ; le rapport que vous me faites de Lélio ne me satisfait pas. Un homme à qui vous avez fait apercevoir que je l’aime, un homme à qui j’ai cru voir du penchant pour moi, devrait, à votre discours, donner malgré lui quelques marques de joie, et vous ne me parlez que de son profond respect ; cela est bien froid.

HORTENSE

Mais, Madame, ordinairement le respect n’est ni chaud ni froid ; je ne lui ai pas dit crûment : la Princesse vous aime ; il ne m’a pas répondu crûment : j’en suis charmé ; il ne lui a pas pris des transports ; mais il m’a paru pénétré d’un profond respect. J’en reviens toujours à ce respect, et je le trouve en sa place.

LA PRINCESSE

Vous êtes femme d’esprit ; lui avez vous senti quelque surprise agréable ?

HORTENSE

De la surprise ? Oui, il en a montré ; à l’égard de savoir si elle était agréable ou non, quand un homme sent du plaisir, et qu’il ne le dit point, il en aurait un jour entier sans qu’on le devinât ; mais enfin, pour moi, je suis fort contente de lui.